Le débat à la Chambre : un projet d’apaisement et de compromis

Modifié par Annefrancoisepasquier

Aristide Briand, député socialiste proche des radicaux, est le rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État.

« M. le rapporteur
Du reste, étant donnée la composition de cette Assemblée, la réforme ne pouvait pas être différente de ce qu’elle est en réalité.
Au début de la discussion générale, je disais à mes amis : "Prenez garde ! [...] Si chacun de vous apporte la volonté systématique, arrêtée d’avance, de faire triompher ses vues particulières, ce n’est pas la peine d’entreprendre une tâche aussi difficile ; elle ne peut être menée à bien qu’au prix de concessions réciproques ! Le succès de la réforme ne peut être que le résultat de transactions multiples."
Je laissais même entendre que ces transactions devraient passer, parfois, les limites de la majorité elle-même. On m’a fait grief de certaines concessions au centre et à droite. [...]
[...] je n’ai pas reculé devant les concessions nécessaires. J’en ai fait aussi, chaque fois que l’équité le commandait, à la minorité elle-même, et je m’en félicite, car nos collègues du centre et de la droite, en nous permettant d’améliorer la loi, en accolant leurs signatures aux nôtres sous des articles importants, nous auront ainsi aidés puissamment à la rendre plus facilement applicable en réduisant au minimum les résistances qu’elle aurait pu susciter dans le pays. [...] Nous avons fait pour le mieux.
Maintenant, messieurs, permettez-moi de vous dire que la réalisation de cette réforme figure depuis trente-quatre ans au premier plan du programme républicain...

M. le marquis de Pins
Le pays préférerait d’autres réformes qu’on lui a promises et qu’on ne lui donne pas.

M. le marquis de Lespinay
Les retraites ouvrières pressaient tout de même davantage.

M. le rapporteur
…aura pour effet désirable d’affranchir ce pays d’une véritable hantise sous l’influence de laquelle il n’a que trop négligé tant d’autres questions importantes, d’ordre économique ou social [...]
[applaudissements à gauche et à l’extrême gauche].
[...] La réforme que nous allons voter laissera le champ libre à l’activité républicaine pour la réalisation d’autres réformes essentielles.
Mais, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la séparation ne donnât pas le signal des luttes confessionnelles ; il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s’exprimer librement. [...]
Vous n’aurez plus le droit demain d’aller dire aux paysans, aux catholiques de France, que la majorité républicaine de cette Chambre s’est montrée à votre égard tyrannique et persécutrice, car elle vous aura généreusement accordé tout ce que raisonnablement pouvaient réclamer vos consciences : la justice et la liberté [vifs applaudissements répétés à gauche et à l’extrême gauche].

Débats parlementaires à la Chambre des députés, 3 juillet 1905, compte rendu in-extenso, Journal officiel de la République française.

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